Réveiller la belle endormie

2012 aura été l’année des changements pour la Fnac. Après l’annonce d’un plan d’économies de 80M€ et la suppression de 310 postes en France, c’est désormais une introduction en Bourse, programmée pour 2013, qui attend l’enseigne. L’annonce n’a pas surpris les investisseurs. Cela fait quatre ans que le groupe PPR- holding de la famille Pinault - son propriétaire, cherche à vendre la Fnac. Sans succès jusqu’ici, le projet de rachat par le groupe allemand Metro-Saturn n’ayant jamais vu le jour. Et pour cause: ”la Fnac travaille sur les pires marchés au monde en ce moment”, note Yves Marin senior manager chez KurtSalmon. La récente liquidation judiciaire de Surcouf, la revente de Kesa, en Grande-Bretagne, pour un euro symbolique ou encore la faillite de la chaîne américaine de librairies Borders en 2011 sont autant de signes de la crise que traverse le marché des biens culturels. La Fnac, dont le chiffre d’affaires s’est replié de 3,2% en 2011 et les performances en magasin de 5,4%, apparaît aujourd’hui comme un boulet pour PPR, qui ambitionne plutôt de se recentrer sur des activités luxe et lifestyle, plus lucratives. “La cession de la Fnac est l’un des micro-épisodes de la cession du pôle distribution de PPR, écrit dans la stratégie du groupe qui s’est déjà concrétisée par la vente de Conforama et du Printemps” souligne le consultant.Pari risquéL’absence de repreneurs a cependant conduit François-Henri Pinault à introduire l’enseigne en Bourse par division (spin-off), en scindant les activités de la Fnac et du groupe PPR. Un plan B moins fructueux qu’une cession à bon prix mais qui, dans cette conjoncture, s’avère nécessaire pour le groupe. “Cette valorisation aura le bénéfice d’alléger la pression sur l’action PPR, poursuit Yves Marin: Créer deux entités différentes va lui laisser plus de possibilité d’être échangée et valorisée”. L’opération, qui consiste à faire de la Fnac une société totalement autonome, n’est toutefois pas sans risque. “À court terme et moyen terme, cela s’annonce compliqué pour l’action Fnac dont l’activité n’est pas, à ce jour, recherchée par les investisseurs”, prévient Thibaut de Smedt, associé chez Bryan Garnier &Co. D’autant qu’il est difficile, aujourd’hui, de miser sur le futur modèle de la Fnac, en pleine restructuration entre ses magasins physiques et ses activités numériques. “Tout cela se fera dans la douleur et prendra du temps”, ajoute le banquier, sans compter les effets indirects d’une cotation, susceptibles d’aggraver les difficultés de l’enseigne. “Lorsque vous entrez en Bourse, vous êtes sous pression, soumis aux réactions du marché qui va tout de suite sanctionner les mauvaises nouvelles”, explique Gilles de Poix, avocat spécialiste en droit boursier.Leviers de croissanceLe défi, pour la Fnac, sera donc de convaincre analystes, journalistes ou investisseurs qui seraient prêts à prendre le risque d’acheter des actions de l’enseigne. Pour Gilles de Poix, la bonne stratégie à adopter pour le groupe, est une valorisation progressive de la Fnac, plutôt qu’une entrée tonitruante à la Facebook: “PPR a tout intérêt à être prudent au départ, avec un cours d’introduction assez bas pour que l’action soit sur-souscrite. Elle pourra ensuite monter graduellement”. En se projetant dans une perspective sur deux à trois ans, l’enseigne pourrait alors s’inscrire dans un processus de cession à un prix acceptable et de revalorisation de ses actifs. Car si la Fnac connaît aujourd’hui des mutations, elle reste, malgré tout, une marque très forte, ancrée dans la culture française et dotée d’un fort potentiel. “La Fnac est une belle endormie mais elle possède toujours des capacités”, signale Yves Marin. Son antériorité, ses emplacements de premiers ordre et son large vivier de porteurs de cartes de fidélité sont autant d’actifs auxquels des fonds d’investissements pourraient, à terme, s’intéresser. L’élargissement du périmètre des produits (petit électroménager), la stratégie digitale (Fnac.com) et les concepts de magasins récemment lancés dans les gares et les aéroports, dans le cadre du plan Fnac 2015, devraient, en outre, apporter à l’enseigne de nouveaux leviers de croissance.