Elles arrivent en France !

C’est l’Arlésienne. Les associations de consommateurs la réclament depuis des années: la class action – action de groupe ou collective, à la française – dont le dossier revient régulièrement sur la table des différents gouvernements sans jamais avoir été validé, pourrait enfin voir le jour, en 2013. C’est dans le cadre du futur projet de loi sur la consommation, déposé au Parlement, au printemps prochain, que la mise en place de l’action de groupe devrait avoir lieu. Ce dispositif, qui accorde le droit à plusieurs personnes ayant subit un préjudice, de se regrouper pour obtenir une réparation collective auprès de l’entreprise concernée, a déjà été adopté par plusieurs pays européens. Et pour cause: il ne coûte rien à l’État et demeure très populaire auprès des consommateurs. Beaucoup moins des entreprises. Lors de la présentation des grandes lignes de ce projet, le 10?septembre dernier, Benoît Hamon, ministre délégué à l’économie sociale et solidaire et à la consommation, a donc tenu à se montrer rassurant, notamment à l’endroit du Medef, opposé depuis toujours à ce type d’action. Cette mesure dont “l’objectif n’est pas de casser la compétitivité (…) mais de renforcer le droit des consommateurs”, a-t-il souligné, ne devrait pas entraîner les dérives des class action américaines, principal argument de ses détracteurs. Rassurer les entreprises Question de droit, d’abord, car certains aspects du droit américain ne sont tout bonnement pas transposables dans le droit français: c’est le cas des “punitives damages”, la plus grosse crainte des patrons français. “La notion de punitive damages, aux États-Unis, implique que les dommages et intérêts que doit verser une entreprise ne sont pas la réparation d’un préjudice mais la sanction d’un comportement qui est fautif”, explique Gilles de Poix, avocat. Ce qui fait, qu’au final, même si le préjudice est faible, la faute peut être, elle, considérée comme grave, et l’entreprise se voit ainsi condamnée à payer des dommages et intérêts astronomiques et totalement décorrélés du préjudice subit par les personnes. Un scénario qui ne devrait, juridiquement, jamais avoir lieu en France. “Normalement, si on respecte le droit français, qu’on n’y introduit pas de dérives tirées de la formule américaine, cela ne devrait pas chambouler l’économie des entreprises visées par ces actions de groupe”, assure Gille de Poix. Le but de l’action de groupe française, n’est donc pas tant d’aboutir à des indemnisations, que de représenter, en somme, une sorte de menace, enjoignant les entreprises fautives à rectifier un abus, sous peine d’être condamnée à des sanctions très élevées. “L’objectif est que les dédommagements soient proportionnels aux dommages”, a ainsi précisé Benoît Hamon. Protéger les consommateurs Malgré ces ajustements, les entreprises redoutent une judiciarisation de leurs rapports avec les consommateurs. À juste titre? “Une procédure comme les actions de groupe augmente logiquement les risques de condamnation, note Gille de Poix: les entreprises ont peur que cela les fragilisent et que tout soit prétexte à procès”. La question de la vulnérabilité des entreprises françaises, dans une Europe où tous les pays membres n’appliquent pas cette mesure se pose également. “Il est important que la procédure française soit en harmonie avec ce qui se fait ailleurs, en Europe, pour ne pas créer un désavantage pour la France”, ajoute l’avocat. Sans compter les primes d’assurances, pour les entreprises, qui risquent d’augmenter si le risque de se voir condamner s’accroît. Cette réforme devrait, en effet, permettre à des groupes de particuliers, victimes de petits litiges, d’être indemnisés plus facilement. “On plaide pour qu’il y ait une action de groupe qui soit mise en place, en France, parce que c’est un manque dans notre système judiciaire en France, dans la mesure où les personnes qui subissent un préjudice de masse ne peuvent le faire aujourd’hui”, explique Sandrine Pierrois, juriste de l’association CLCV. De fait, l’action conjointe qui existe, dans le droit français, depuis 1992, s’avère trop lourde à gérer pour les plaignants. Quant à la DGCCRF, si elle peut sanctionner les abus, elle n’a pas le pouvoir d’indemniser les victimes. L’action de groupe serait donc, pour le consommateur, une victoire même s’il est “encore trop tôt pour s’en féliciter”, selon la CLCV qui préfère voir avant de croire: “tout dépend de quel type action on propose et jusqu’à quelle hauteur les conditions seront limitatives”. Associations et entreprises seront fixées sur le contenu de ce projet d’ici à la fin de l’année.

Elles arrivent en France !

Class action