
Le monde est (officiellement) entré en crise. Le point de bascule entre les grandes forces mondiales vient d’être atteint, non sans inquiétude pour l’avenir de l’Europe. Alors que le conflit russo-ukrainien se joue sur l’échiquier international, à une plus petite échelle, au niveau national, c’est notre avenir économique qui se dessine. Le commerce en fait partie. Grand pourvoyeur d’emplois, couvrant de nombreux secteurs d’activités (immobilier, agroalimentaire, textile, marketing, grande distribution, etc.), le commerce est l’un des piliers du développement français, aux côtés de l’industrie et du tourisme. Qu’il soit sur le segment du luxe, fleuron du savoir-faire français et fierté nationale, ou du mass market, le retail est une source

de richesse et d’innovation qui ne cesse d’évoluer.
Cette adaptation et cette capacité à capter les tendances et l’air du temps se traduisent dans l’aménagement des boutiques et dans le design. Loin d’être un élément cosmétique, le design est un atout et une arme sur un marché concurrentiel, une vitrine pour les marques, un axe de différenciation et un lieu d’expérience pour les distributeurs. Quand le futur est incertain, mieux vaut s’arrimer au réel et capitaliser sur le présent pour se dessiner, dès à présent, un avenir qui nous ressemble. Et rester, ainsi, maître de son destin. Cela demande du courage, de l’audace et de l’imagination. C’est justement ce que Points de Vente a salué, dans ce numéro dédié aux nouveaux concepts retail. Regarder le magasin par le prisme de l’esthétisme, l’acte d’achat par le filtre de l’envie, du désir et de l’émotion.
Contrairement à la finance, le commerce a pour lui de reposer, avant toute chose, sur la sensibilité. Et quand le monde semble tomber dans la déraison, que le rationnel perd du terrain devant l’affectif et le rapport de force, il est toujours bon de savoir qu’il existe des lieux, comme des écrins, où l’écoute, le bien-être et la bienveillance ont encore droit de cité. Quand l’extérieur devient trop rude, trop dur, trop âpre, savoir que derrière des portes se cachent des petits havres de paix, des cocons régressifs où tout est mis en œuvre pour nous régaler, consoler, faire rêver, c’est une petite victoire que les architectes, designers et commerçants ont gagnée. Finalement, quand le réel redevient magie, que le plaisir l’emporte sur l’angoisse ou la colère, alors, le point de vente n’est plus seulement un simple magasin destiné à vendre et acheter mais un vrai lieu de vie et d’humanité.
Il est évident qu’à lui seul, le design, tout comme l’art, ne vont pas changer le monde. Seulement, à esquisser de nouvelles directions, à ouvrir une fenêtre sur un ailleurs, un au-delà, une autre possibilité. Dans un contexte de crise, il propose une perception du réel et, par là même, des clés de compréhension du marché. Les marques qui en ont fait un vecteur d’expression et un marqueur identitaire n’hésitent pas à sortir des sentiers battus pour exploiter toute la puissance de cet outil pour créer des univers inédits, hybrides, à la frontière entre les mondes (restauration, événementiel, art, etc.). Après tout, si le présent devient trop oppressant, pourquoi ne pas inventer d’autres espaces de liberté et de créativité ? On a le droit de rêver…
Francis Luzin, Directeur de la publication