Une rentrée contrariée. Le mouvement des agriculteurs qui se traduit par une série de manifestations et de blocages routiers organisés par les syndicats agricoles (FNSEA, Jeunes agriculteurs, Coordination rurale, Confédération paysanne) depuis le 18 janvier dernier a, notamment, mis en lumière les relations toujours plus tendues entre le monde agricole et la grande distribution. À l’aube des négociations commerciales 2024 et après deux ans d’inflation, la situation est électrique. Les projecteurs sont braqués sur l’Europe et ses normes mais également sur les grandes surfaces alimentaires… et les marges des distributeurs. Le sempiternel débat entre la protection du pouvoir d’achat des consommateurs et la préservation de notre patrimoine alimentaire est relancé, et loin d’être clos, à moins d’un mois du Salon de l’Agriculture.
Loin de ce conflit, à des milliers de kilomètres de Paris, à New-York, la France brille, non pas par son blocus de la capitale, mais par la créativité et le dynamisme de ses entreprises, dont 42 sélectionnées par Business France sont venues présenter leurs solutions, à l’occasion de la NRF 2024. Exit la crise économique, le prix de revient ou la hausse des coûts de production, ici, l’on devise d’intelligence artificielle, de visio-commerce et d’holoportation. Un bond dans le futur, pourtant déjà réel. Certes, la technologie ne réglera pas le problème de la PAC, de la redistribution de la valeur et de la retraite des travailleurs de la terre. Mais en magasin, elle a vocation à augmenter le panier moyen et fidéliser le consommateur. Dans un commerce devenu largement virtuel, où la vidéo est reine, capter l’attention des nouvelles générations est un enjeu majeur. À défaut de trouver des solutions dans le présent, l’on regarde vers l’avenir.
Le commerce de demain place le consommateur au centre. Aujourd’hui, face à l’échec des lois EGALIM (1 & 2), d’aucun rappelle le rôle des citoyens dans leurs choix alimentaires. Ne pas céder aux promotions des distributeurs qui soldent un poulet entier à rôtir à 3,50 €… contre 18,10 €, en moyenne, pour un poulet fermier de 1 200 grammes. Sans compter les plats transformés qui usent et abusent de la viande en provenance de pays d’Europe, et plus récemment d’Ukraine, exempts de la plupart des normes et contraintes de production auxquelles sont soumis nos éleveurs nationaux. Une concurrence déloyale dénoncée par les agriculteurs. Face à un constat qui les dépassent, les consommateurs doivent arbitrer entre leur porte-monnaie, allégé par la hausse des prix généralisée, et le « bien manger », local ou national. Entre survivre et participer à la sauvegarde de notre souveraineté alimentaire, et plus que cela, de notre identité nationale dont l’agriculture fait partie intégrante. Une lourde responsabilité pour des ménages tiraillés entre convictions écologiques et consommation citoyenne.
Et si, demain, en France, l’on organisait aussi notre Retail Big Show, cette fois tourné vers l’amélioration de nos pratiques, de la fourche à la fourchette, et la revalorisation des métiers de la terre ? Plutôt que d’imaginer des sacs à main de luxe en hologramme ou des robes de mariée virtuellement personnalisables en un clic, nos startups, ultra-innovantes, plancheraient sur une fixation des prix cohérente et viable pour tous, dans le cadre de contrats plus protecteurs pour les producteurs. Des têtes bien faites, sorties de brillantes écoles de commerce, travailleraient à réconcilier les injonctions contradictoires de l’économie et de l’écologie pour améliorer les conditions de travail et pérenniser nos ressources. Ou encore, des experts en algorithmes calculeraient une juste rémunération du travail de chacun sans, pour autant, pénaliser les consommateurs… L’on se prend à rêver, alors, à un avenir plus juste et apaisé. Et si c’était cela, le vrai commerce du futur ?
Directeur de la publication : Francis Luzin