La dynamique est là. Après avoir rechigné, puis quelque peu « greenwashé », les entreprises ont désormais atteint un nouveau degré de maturité et sont de plus en plus actives sur les thématiques de réduction, réemploi et recyclage des emballages ménagers. Certes, sous le joug des injonctions réglementaires, tout comme celles de l’opinion publique et des exigences des consommateurs. Pour autant, le chemin est encore long et le temps court. Il ne reste que 7 ans pour atteindre les objectifs ambitieux dictés par Bruxelles, à l’heure même où la Commission européenne vient de tirer vertement les oreilles de la France, le 8 juin dernier, dans son rapport d’alerte précoce sur les progrès réalisés par les États membres sur le sujet et… ceux qu’il reste à faire.
Globalement, en France, il faut gagner 20 points de taux de recyclage sur le carton (de 66 % à 85 %) d’ici à 2030, 25 points sur l’aluminium (de 34 % à 60 %), et plus de 30 points sur les plastiques (de 23 % à 55 %). Selon les projections de Citeo, l’un des principaux éco-organismes français de la REP (responsabilité élargie des producteurs), il est possible de doubler le rythme actuel en intensifiant les efforts, notamment sur l’éco-conception, le hors foyer ou la simplification du geste de tri. Mais cela ne ferait gagner que 10 points en 7 ans. Insuffisant. Pour avoir une chance d’atteindre les objectifs, il faut changer de braquet en mobilisant des leviers complémentaires. Les 3R (Réduction, Réemploi, Recyclage) doivent être actionnés de façon coordonnée en tenant compte de leur impact environnemental.
Souvent l’accent est mis sur le recyclage. Les marques en jouent dans leurs stratégies marketing et mettent en avant le taux de matières recyclées utilisées et recyclables. Sauf que… Oui, le recyclage est un levier important, mais pas le seul. Ne doit-on pas privilégier la réduction et le réemploi ? Qui dit recyclabilité, ne dit pas forcément retour possible au contact alimentaire : aujourd’hui, avec le recyclage mécanique, seuls les emballages en PET peuvent retourner au contact alimentaire, le reste étant dévolu au recyclage chimique.
Il est donc urgent d’embarquer les entreprises dans la réduction des emballages (poids allégé, révision des usages) afin d’adopter des solutions plus sobres. Il faut aussi mettre l’accent sur le réemploi qui permet de ne pas produire de nouveaux emballages avec, la clé, une nécessaire réflexion sur leur standardisation afin qu’ils puissent être collectés, lavés et réutilisés de manière harmonisée sur l’ensemble du territoire. Des entreprises comme Andros, Carrefour ou Heineken se sont d’ailleurs engagées à tester ces emballages standardisés en rayon. Il faut aussi mettre à plat le débat sur la consigne des bouteilles plastiques, un serpent de mer qui a déclenché les foudres des élus locaux déjà chargés de la collecte du bac jaune, et pour qui cette « fausse consigne » aurait pour effet de complexifier le geste de tri et d’encourager le consommateur à utiliser davantage de bouteilles en plastique.
Côté recyclage, deux nouvelles filières viennent de voir le jour pour les bouteilles PET colorées et PET opaque blanc (lait), ainsi que pour les films en PE et PP (sachets de pâtes ou de biscuits). Et deux filières devraient suivre d’ici à 2025, pour les pots et barquettes PET et les pots de produits laitiers frais ou de compote en PS. Des filières qui permettraient le retour au contact alimentaire des produits recyclés. Ainsi, avec la finalisation de la simplification et l’extension des consignes de tri, la France entend s’engager dans une nouvelle étape du recyclage du plastique. Il était temps. La consommation mondiale devrait encore être multipliée par 2,5 d’ici 2060, selon l’OCDE. Plus aucun endroit de la planète n’échappe à la pollution plastique, y compris les zones les plus reculées. Le défi collectif est immense. Les vives tractations qui ont émaillé le 2e round des négociations du traité international sur la pollution par les plastiques qui s’est tenu du 29 mai au 2 juin dernier, à Paris, en témoignent.
Directeur de la publication : Francis Luzin