La polémique du barbecue a ravivé les oppositions – réelles ou de posture – entre les pro-viandes et les veggies. Si une réflexion sur la transition alimentaire s’impose, la filière viande a, de son côté, enclenché une démarche collective pour réduire son empreinte carbone à court terme. Match nul ?
Le marché des alternatives végétales continue de creuser son sillon (l’institut Xerfi Precepta prévoit des ventes à hauteur de 400 millions d’euros en 2022) mais sa place au sein de la filière agroalimentaire reste à déterminer. Le Conseil d’État du 27 juillet dernier a décidé de suspendre l’interdiction faite aux produits contenant des protéines végétales d’utiliser des dénominations animales. C’est un nouveau rebondissement dans le conflit qui oppose les industriels de la viande aux pionniers du végétal. Pour rappel, le décret, publié en juin, interdisant la commercialisation des produits à base de protéines végétales sous les dénominations “steak végétal”, “saucisse végétarienne” ou encore “bacon vegan” devait entrer en vigueur le 1er octobre 2022. Cette décision avait été saluée par la filière viande qui y voyait une tromperie et appelait à plus de transparence de la part des fabricants de produits végétaux. Ces derniers ont bénéficié d’un sursis, arguant que l’application du décret en l’état ne laisserait pas suffisamment de temps aux industriels pour réorganiser leur activité, au risque de semer la confusion chez les consommateurs et de perdre des parts de marché. Cette pause législative a été perçue comme étant “de bon augure” par la filière qui espère que la France finira par suivre la doxa européenne, favorable à ce type de dénomination… En attendant une décision du Conseil d’État sur le fond.
Polémique VS réalité
Autour du débat “steak ou planète” lancé par une partie de la classe politique (Aymeric Caron en tête) et suivie par les réseaux sociaux qui ont largement relayé les propos de la députée écologiste Sandrine Rousseau sur le “barbecue comme symbole de virilité”, l’opposition entre viandards et veggies soulève la problématique, bien plus large, de la transition écologique et de la mise en place de nouveaux modèles agricoles. Loin d’Internet et des petites phrases choc et provoc’, la réalité est moins binaire. Membre de l’association Protéines France, le groupe Avril qui, depuis avril 2021, s’est donné comme raison d’être de “Servir la Terre” et s’est engagé activement dans la transformation végétale, n’a pas souhaité voter “contre l’adoption” du décret sur les dénominations animales. Il considère que les protéines végétales “doivent être promues en tant que telles dans des aliments, sans forcément imiter les dénominations de produits alimentaires existants”. Du côté d’Interbev, l’on écarte la polémique… La France des territoires a été façonnée par l’élevage, garant de l’économie locale et de la biodiversité. “Cette activité représente 12 millions d’hectares et 500 000 emplois”, indique Emmanuel Bernard, président de la section bovine d’Interbev, préférant à l’opposition “steak ou planète”, le slogan “mangez en mieux”. La consommation de bœuf n’a baissé que de 1 % au niveau national au premier semestre 2022 et continue d’être distribuée de plus en plus dans les circuits de la restauration.
Une filière viande créative… et engagée
Depuis l’Accord de Paris sur le climat, la filière viande s’est engagée dans le programme Life Beef carbone, piloté par l’Institut de l’élevage. Ce projet de recherche européen mené dans 4 pays (France, Irlande, Espagne et Italie) a pour objectif de réduire de 15 % en 10 ans l’empreinte carbone de la production de viande de bœuf. “Il y a eu un effort collectif pour adopter une démarché de sobriété, dont les résultats porteront leurs fruits dans deux ans”, explique le président. En parallèle, la filière doit faire face aux hausses de l’énergie et de ses coûts de production. “Les prix ont grimpé de 25 à 40 % selon les catégories, en un an, soit une moyenne de 30 % de hausses”, indique-t-il. Des coûts qui se répercutent sur les prix en magasin. “Il faut que chacun fasse attention à ne pas abuser sur ses marges, mais les hausses de prix seront inévitables pour faire face aux charges”, précise Emmanuel Bernard qui prône la cohérence des prix entre la filière amont et aval. Par ailleurs, ce dernier observe un changement dans la façon de manger la viande en France. “Le bœuf est de plus en plus consommé au restaurant, notamment dans les centres urbains et les consommateurs préfèrent les produits transformés aux produits bruts, tels que la viande hachée”, informe-t-il. Un segment de marché sur lequel les industriels innovent : tartare, carpaccio sous vide, autant d’innovation de rupture qui demande une maîtrise technique et sanitaire importante. “On a souvent critiqué la filière bœuf pour son manque de créativité, mais sur les propositions faites par les industriels ces dernières années sur les origines, le persillé ou les procédés de fabrication démentent cette idée reçue”, se réjouit Emmanuel Bernard. Prochain créneau à explorer, les apéritifs dînatoires, moments privilégiés des Français qui apprécient de picorer quelques morceaux de charcuterie autour d’un verre entre amis…