Les groupements d’indépendants ont la cote. En 2020, le commerce coopératif et associé affichait un taux de croissance de 2 %, supérieur à celui du commerce de détail (-3 %). À fin septembre 2021, les enseignes ont franchi une barre symbolique en réalisant plus de la moitié des ventes de la grande distribution. Les magasins E. Leclerc affichaient 22,5 % de parts de marché, en progression de +0,5 %, selon Kantar. Les Mousquetaires détenait 16,1 %, en hausse de +0,4 % et Système U, 11,5 % de parts de marché, également en croissance, de +0,3 %. Depuis 2007, ces spécialistes de l’alimentaire (les trois quarts de l’activité du commerce associé) ont gagné plus de 10 points de parts de marché. Cette dynamique s’étend au secteur non alimentaire – notamment l’optique, le jouet, la parfumerie et la maison – où les performances du commerce coopératif se sont révélées meilleures en 2020 qu’en 2019, malgré les périodes de fermeture des magasins.
Pour la Fédération du Commerce Associé (FCA), la culture de proximité et un approvisionnement local sont les clés de ce succès. La pandémie n’a fait que renforcer l’attachement des clients à leurs magasins. Grâce à leur maillage du territoire, les commerçants indépendants touchent la population des villes moyennes et des zones rurales. Agiles dans leur gouvernance, imprégnés d’une forte culture entrepreneuriale, ils ont la capacité de s’adapter aux besoins des consommateurs. Cette vocation à coller à la réalité de terrain offre un coup d’avance aux enseignes et favorise l’innovation. Le “Lab innovation” d’E. Leclerc, créé en 2017, fait ainsi office de dénicheur de start-ups innovantes. Cette structure s’appuie sur 32 référents innovations au sein des seize centrales logistiques et dans les magasins qui remontent les besoins (commerciaux, marketing, relation clients, etc.) à une vingtaine de référents métier au siège social d’Ivry.
Piloter de telles structures au quotidien nécessite de recruter des profils spécifiques. Véritables animateurs d’équipes, les adhérents doivent diriger plusieurs points de ventes, faire preuve d’initiatives et placer les relations humaines au premier plan. Depuis le 1er janvier 2020, 235 chefs d’entreprise ont été recrutés par Les Mousquetaires en Europe, dont 140 en France. Preuve que le modèle séduit. Reste que dans une France encore marquée par la crise sanitaire, attirer les nouveaux talents est un enjeu majeur des commerçants. “Réside, malheureusement, le très faible attrait pour les métiers du commerce, lié probablement à une pression sociale, à une méconnaissance de ses opportunités et peut-être, aussi, à une certaine réputation de conditions de travail difficiles et de rémunération peu attractive”, constate la FCA. Alors que l’accueil des clients et la qualité de l’offre et du service sont devenus les meilleurs atouts du commerce physique, cette pénurie de ressources figure comme une ombre au tableau.
Pour accompagner une croissance qui devrait dépasser les 6 %, promouvoir la profession de commerçants et muscler le volet formation des recrues sont les priorités d’un secteur où le facteur humain est primordial. En poussant les valeurs du collectif et de la coopération, la FCA espère sensibiliser de jeunes générations soucieuses d’associer leur métier à leur épanouissement personnel. Elle rappelle, également, que l’ascenseur social du commerce fonctionne là où il s’est enrayé, dans d’autres professions. La grande distribution est ouverte à de nombreuses compétences et laisse sa chance aux non-diplômés. Un discours d’inclusion qui fait sens, dans un pays où le chômage des 15-24 ans atteint presque les 8 %…
Francis Luzin
Directeur de la publication