Instauré depuis le 16 août dernier, le pass sanitaire dans les centres commerciaux de plus de 20 000 m2 (près de 150 en France) a été suspendu dans les Yvelines, l’Essonne, le Haut-Rhin et Paris. Accusé d’avoir entraîné une forte baisse de la fréquentation, le dispositif était sous le feu des critiques depuis le mois de juillet. Le tribunal administratif a finalement donné raison aux professionnels qui déploraient une mesure “inefficace, inéquitable et inapplicable”, selon le CNCC. Depuis la sortie du premier confinement, le Conseil argue que les centres commerciaux œuvrent au respect des gestes barrières. Le port du masque y est demandé, l’air renouvelé plusieurs fois par heure et la densité de visiteurs contrôlée. Surtout, le pass sanitaire se révèle “injuste” en privant une partie des consommateurs non vaccinés ou testés de la possibilité de se rendre à l’hypermarché, à la pharmacie ou dans leur agence bancaire. L’iniquité vaut aussi pour les salariés de ces centres commerciaux qui se voient discriminés par rapport aux professions non concernées, tout comme les commerçants contraints à fermer et subir de nouvelles pertes de chiffre d’affaires.
Dénonçant une “situation ubuesque” et prévenant d’une “catastrophe économique” à venir, Gontran Thüring, le délégué général du CNCC estime que ce sont 30 à 40 % du chiffre d’affaires des centres commerciaux soumis au pass sanitaire qui se sont envolés. À cela, s’ajoute le coût des personnels embauchés pour assurer le contrôle des visiteurs, estimé à environ 30 000 euros par mois et par porte. En outre, difficilement applicable, l’obligation de présenter le pass sanitaire à l’entrée des centres commerciaux a rapidement fait l’objet de recours en justice. Initialement imposée dans les départements présentant des taux d’incidence au-delà des 200 cas pour 1 000 habitants (mais sachant que ce taux évolue chaque jour), sa mise en place s’est heurtée à de nombreuses incertitudes et confusions. Dans le département des Yvelines, où la préfecture demandait le QR code malgré un taux d’incidence inférieur à 200, le pass sanitaire a été suspendu deux jours après son entrée en vigueur. Quelques jours plus tard, le tribunal administratif de Versailles a, à son tour, rejeté le dispositif en Essonne. Le Haut-Rhin et Paris ont suivi le mouvement.
La colère des syndicats, associations de commerçants, propriétaires de centres commerciaux mais également de particuliers boutés hors des points de vente à quelques semaines de la rentrée des classes a ainsi eu raison d’un pass sanitaire contesté par une partie de la population. Des requêtes ont été déposées auprès des tribunaux administratifs de tous les départements d’Ile-de-France concernés par ces restrictions. Si la levée du pass sanitaire va sauver la rentrée des commerçants “libérés” par la justice, le répit pourrait cependant être de courte durée. Le ministère de l’Intérieur a, en effet, d’ores et déjà annoncé qu’il ferait appel des décisions de suspension du pass sanitaire obligatoire dans certains centres commerciaux, notamment celle du tribunal administratif de Versailles qui touche 14 grands magasins et centres commerciaux des Yvelines. Alors que la couverture vaccinale s’étend de jour en jour, jouant la montre contre le virus, les manifestations contre le pass sanitaire se poursuivent en France (quoique mobilisant moins de personnes). De nouvelles tensions sont à prévoir dans les prochaines semaines et augurent d’une rentrée sociale “chaude” pour tous les professionnels impactés.
Francis Luzin
Directeur de la publication