À quelques mois de la sortie de crise tant espérée, le nouveau tour de vis dans 16 départements de la France met un coup au moral des commerçants. Toutefois, les dispositifs nationaux ou régionaux mis en place depuis ces trois dernières années pour revitaliser les centres-villes commencent à produire leurs effets. Au-delà des difficultés conjoncturelles, le commerce de proximité fait face à de profonds changements structurels induits par les usages numériques et les nouveaux modes de consommation. Autant de défis que les cœurs de ville sont désormais prêts à relever.
Par Cécile Buffard
C’est un coup de massue pour le commerce “non essentiel” (hors alimentaire) qui, à quelques exceptions près, devra rester porte close jusqu’au 18 avril. “Une nouvelle fois, les commerces sont les principales victimes alors que toutes les études montrent que ce n’est pas là qu’ont lieu les contaminations. Et on repart sur cette distinction absurde entre essentiel et non-essentiel”, se désolait sur Twitter Jacques Creyssel, directeur général de la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD), au lendemain de l’annonce d’un troisième confinement dans 16 départements de France. De cette pandémie dont on a l’impression que l’on ne sortira jamais, les commerçants n’en peuvent plus. Pourtant, en dépit des incessantes alternances entre ouverture et fermeture qui ont scandé l’année 2020-2021, les centres-villes ont affiché une relative résistance à la crise. “Les boutiques non franchisées et indépendantes, qui représentent 90 % des centres-villes, se sont révélées moins fragiles, plus souples et par conséquent, davantage capables d’ajuster leur offre en fonction des aléas de la pandémie que les grandes chaînes”, observe Robert Martin, président du Club des Managers de Ville et de Territoire (CMCV). Là où les petits commerces ont su gérer leurs stocks et éviter d’alourdir leur compte de résultats en charges inutiles, de nombreuses grandes enseignes ont plongé, piégées par une centralisation des achats et des décisions. Certaines ont déposé le bilan.
Aides à la numérisation
La crise n’a pas seulement amplifié ou aggravé les faiblesses existantes du commerce de proximité, elle a aussi accéléré les mouvements qui s’opéraient avant elle. La numérisation en fait partie. “Les bonnes pratiques prônées avant la pandémie s’affirment d’autant plus comme des solutions face aux confinements successifs et la chute du chiffre d’affaires de certains secteurs tels que l’équipement de la personne”, constate William Koeberlé, président du Conseil du Commerce de France (CdCF). L’association a lancé un autodiagnostic du niveau de numérisation des commerçants indépendants. Verdict : sur les 900 000 entreprises de commerce que compte la France, 500 000 n’affichent aucune trace sur Internet. “Notre objectif vise à ce que chaque commerce puisse être présent sur Internet avec son adresse, ses horaires d’ouverture et un résumé de ses activités”, ajoute le président. Le virage numérique s’est imposé en 2020 où les commerçants absents de la toile ont réalisé qu’ils ne disposaient pas des outils nécessaires pour maintenir le lien avec leurs clients durant les périodes de confinement. À l’inverse, ceux qui possédaient déjà une vitrine web ont pu réaliser 15 % à 20 % de leur chiffre d’affaires et redémarrer plus rapidement à l’issue des deux derniers confinements. Pour aider les commerçants à entrer dans l’ère numérique, la CCI Île-de-France a mis en place plusieurs dispositifs de soutien. “Nous poussons les commerçants à profiter de la crise pour faire évoluer et améliorer leur stratégie de fidélisation, de recrutement et de digitalisation”, affirme Didier Kling, président de la CCI Paris Ile-de-France. Le Plan de relance 2021-2022, signé par la Région et l’État, alloue 13,8 milliards d’euros à l’Île-de-France, dans 3 domaines prioritaires : la transition écologique, le soutien à l’économie et la cohésion sociale. Le volet numérique y est naturellement abordé, sous la forme d’un “chèque numérique pour un commerce connecté” d’une valeur maximale de 1 500 euros par commerçant (indépendant et possédant moins de 10 salariés). À cette aide, la Région a ajouté 400 euros par commerçant désireux de se convertir au digital. “Nous les dédommageons à hauteur de leur investissement”, explique Didier Kling. Dans le cadre de son programme “Académie du Commerce”, soutenu par le Fonds Social Européen, la CCI a également déployé un plan d’actions de sensibilisation et d’accompagnement individualisé des commerçants finançant, notamment, des ateliers pratiques numériques (sur l’e-réputation, les réseaux sociaux, etc.) ainsi qu’une boutique connectée nomade qui se déplace de ville en ville à travers l’Île-de-France pour présenter une vingtaine d’applications aux commerçants intéressés et les mettre en contact avec les prestataires choisis. Par ailleurs, la plateforme “MaplacedeNoël”, mise à disposition des commerçants pour faire face aux restrictions d’ouverture en décembre dernier, sera prolongée en 2021 sous le nom “J’aime mes commerces à domicile”.
Les cœurs de ville se déploient
L’omnicanalité n’est pas le seul chantier en cours pour le commerce en ville. La lutte contre la désertification et les friches commerciales est aussi au cœur des préoccupations des collectivités locales. En 2019, la vacance avoisinait les 12,5 % en centre-ville. Elle pourrait atteindre 16 %, selon les projections, dans les années à venir. Un chiffre auquel refuse de se résoudre Jean Guiony, directeur adjoint du Programme national Action Cœur de Ville, initié en 2018. Pour celui-ci, le bilan de ces 3 dernières années est positif et le dynamisme des villes moyennes pourrait